Willie Pep. C’est d’abord un drôle de nom, qui ne dit pas grand-chose aux amateurs occasionnels de boxe de ce côté-ci de l’Atlantique. Physiquement, le spécimen peut tout aussi bien faire sourire : un petit blanc d’à peine 57 kg pour 1m65, velu, avec des jambes de criquet et un torse d’adolescent malingre, qui se mit à la boxe parce qu’il en avait assez de se faire cogner par plus grand que lui. A première vue, pas de quoi effrayer les foules.
Un fait et une anecdote suffisent pourtant à dresser un résumé éloquent de ce que fut ce géant de son sport. Le fait, c’est que Willie Pep a pris sa retraite après 26 ans de carrière et la bagatelle de 229 victoires en 241 combats. L’anecdote, c’est qu’il annonça un jour en off aux juges de sa prochaine rencontre qu’il n’allait pas donner un seul coup pendant tout un round. Pendant ces 3 minutes, son adversaire boxa l’air tout autour de lui, Pep esquiva, tourna, roula, et rendit le type tellement dingue qu’il finit par perdre l’équilibre tout seul. Les juges scorèrent le round pour Pep.
Autant le dire tout de suite, cette histoire est probablement fausse, et le combat auquel elle fut longtemps associée ne compte pas de round gagné par Pep au cours duquel il ne donna pas un coup. Mais le simple fait que même les plus éminents chroniqueurs du noble art y aient cru sans peine jusqu’au démenti officiel de 2003 montre que Willie Pep est peut-être le plus grand boxeur défensif de l’histoire de son sport, devant les Niccolino Locche, Jack Johnson, Pernell Whitaker et Floyd Mayweather Jr. Et rien que ça lui vaut une place dans les 10 plus grands.
“L’idée, c’est d’apprendre comment gagner sans se faire mal. » Willie Pep
Tout d’abord, l’homme ne s’appelait pas vraiment Willie Pep, mais Guglielmo Papaleo, un nom moins facile à retenir pour les américains de la côte Est qui constituèrent l’essentiel de son public entre 1940 et 1966, et qui trahit des origines italo-américaines communes à bien des stars de la boxe de cette époque. Parce qu’évoquer l’âge d’or pugilistique de l’après-guerre, c’est se rappeler toute une série de noms de champions de New York et de Nouvelle Angleterre à consonance italienne, les noms de champions du peuple ou « people’s champs » pas spécialement réputés comme les plus techniques de leur temps, mais dont la générosité infinie sur le ring – comme l’image d’immigrants en col bleu de deuxième ou troisième génération travaillant dur pour gagner leur croûte – leur assurèrent ainsi qu’à leur sport une formidable popularité.