GUERNICA
Extrait de GUERNICA
page 55
J’entrevoyais mon adversaire à l’opposé, se dirigeant vers l’autre coin, sautillant, dansant, virevoltant, levant les bras comme un vainqueur, esquissant quelques enchaînements dans le vide. Il haranguait la foule comme bateleur de foire. Castagneur du samedi soir, porte drapeau d’une minorité qui se défoule par procuration, il représentait tout ce que je n’aime pas chez un boxeur. Tout le monde n’est pas un Mohamed Ali ou un Salvador Dali. Il faut vraiment être le meilleur dans sa discipline pour faire passer les pitreries et les outrances sans tomber dans le ridicule. Le public aussi sombrait dans le grotesque. Dans le brouhaha indescriptible d’une réunion de boxe il arrive aux acteurs de capter un mot isolé. Une phrase hostile. Une exhortation encourageante. Une voix qui se détache et qui vous atteint. Ce jour-là j’avais entendu un « Tue le ! » J’étais une victime expiatoire. Un faire-valoir pour faire mousser un pimpin à la gueule cassée. Une caricature de boxeur. Le fasciés de méchant ne m’impressionnait pas. J’avais appris au contraire à me méfier des petites gueules intactes. En principe quant après une vingtaine de combats la frimousse n’a pas été déformée, c’est qu’on est soit un grand puncheur, soit un super technicien.
Guernica n’est pas une autobiographie mais une fiction. La narration à la première personne du singulier peut prêter à confusion, mais c’est bel et bien un roman au récit captivant (ça n’engage que moi). De l’humour. De l’amour. De l’action. Une écriture parlée. Des verbes qui ne figurent sur aucun dictionnaire mais qui sont utilisés dans le langage populaire de cette époque et plus particulièrement par Guernica qui en use et en abuse. Ça fait partie du personnage. Un personnage en clair-obscur que les circonstances remettent dans les feux des projecteurs. Une projection en avant sans retour possible. Je ne peux pas et surtout, je ne veux pas revenir en arrière pour corriger un texte qui fait bondir les puristes de notre belle langue française. Une langue qui est parlée avant d’être écrite. Dans la France profonde du vingtième siècle on n’attendait pas le feu vert des académiciens pour utiliser un vocabulaire inventif et une grammaire adaptée.
L'HISTOIRE
BORDEAUX 1994 : Guernica, dont l’imprimerie et le couple battent de l’aile, profite du Week-End de l’assomption pour faire un break cinématographique et gastronomique. La soirée, qui se prolonge dans une boîte de nuit, débouche sur une opportunité financière. Un coup de bol pour remettre les compteurs à zéro. Un zéro de conduite. C’est de l’argent sale qui l’entraine dans une spirale dramatique. Des morts et des coups fourrés. Ses réflexes d’antan reprennent le dessus. Guerni, comme on l’appelle familièrement dans le bourg de l’entre-deux mers où il croit s’être posé définitivement, n’a pas toujours été le bonasse père tranquille qu’imaginent ses proches.
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